LA RÉALISATRICE : QUOI PARTAGER ET COMMENT RÉMUNÉRER  ? (PARTIE 1)

QUELS DROITS PARTAGER ?

Une question m’est posée régulièrement : « Dois-je partager mes droits d’auteur avec la réalisatrice de mon album (même si je l’ai payée) ? »

Il est primordial que cette question soit abordée (réglée, si possible) AVANT que le travail ne soit entamé. En effet, l’implication de la réalisatrice peut apporter son lot de zones grises, et plusieurs remises en question peuvent survenir un fois l’enregistrement terminé.

DROIT SUR L’ENREGISTREMENT / DROIT SUR L’ŒUVRE MUSICALE 

Avant toute chose, il importe de distinguer les droits liés à l’enregistrement sonore et ceux liés à l’œuvre musicale. Pour un rappel sur ces notions, je vous réfère à cet article.

Question : la réalisatrice a-t-elle droit à une redevance sur la vente des enregistrements qu’elle a réalisés? Percevra-t-elle une redevance à titre de co-auteure/compositrice ?

Autrement dit, jouira-t-elle de droits sur l’enregistrement sonore et/ou plutôt de droits sur l’œuvre musicale ?

Réponse : Cela dépend… des faits ou du choix des parties. 

Toutefois, il existe certains usages :

  • selon sa participation à la réalisation, la réalisatrice recevra généralement une part des revenus de ventes d’albums ou des enregistrements réalisés — communément appelés les points de réalisation. La Partie 2 de ce texte aborde en détail cette rémunération.
  • selon sa participation à l’écriture et à la composition des textes et de la musique, la réalisatrice pourrait avoir droit à une part des droits et des revenus liés aux œuvres musicales.

Dans le premier cas (les points de réalisation), ce droit est relativement acquis. 

Le deuxième semble toutefois poser plus souvent problème.

L’IMPLICATION DE LA RÉALISATRICE

Il est compréhensible qu’une réalisatrice souhaite partager les droits d’auteur : les ventes d’albums ne sont plus ce qu’elles étaient, et il faut donc diversifier ses revenus !  

Toutefois, le mérite-t-elle vraiment ?

Pour que la réalisatrice perçoive une part des droits d’auteur sur l’œuvre musicale, destinés aux auteurs et aux compositeurs, encore faut-il qu’elle se soit impliquée à ce titre ! 

Et je ne parle pas ici de conseils artistiques, pour lesquels elle reçoit par ailleurs sa rémunération de réalisation.

Les droits d’auteur sur les œuvres appartiennent aux créateurs des œuvres ; aux auteurs et aux compositeurs. 

Comprenez-moi bien : si la réalisatrice est une co-compositrice ou même l’unique auteure ou compositrice de l’œuvre en question, il tombe évidemment sous le sens qu’elle soit considérée à ce titre et qu’elle perçoive les redevances qui lui sont dues.

Toutefois, dans le cas contraire, un partage de ces droits doit être longuement réfléchi.

Quel a été son apport artistique ? Quelle était l’intention des parties lors des brainstorms de création — avaient-elles l’intention de créer une œuvre collective ? La structure musicale de l’œuvre était-elle complétée? Comment tracer la ligne entre la réalisation et la composition ?

Vous l’aurez compris : il s’agit rarement d’une situation limpide où une réalisatrice prodigue seulement un simple conseil technique ou compose l’entièreté de l’œuvre. Ces questions baignent généralement dans une zone très grise.

Et cette analyse peut s’avérer difficile à effectuer une fois le travail terminé (du moins, sans que des lignes directrices aient été discutées). 

Comme l’énonce cette douce expression : mieux vaut prévenir que guérir.

Discutez-en et prévoyez un contrat.

DROITS ÉCONOMIQUES

Le droit d’auteur implique une valeur marchande : son titulaire peut s’en servir pour transiger. Il m’arrive très fréquemment de constater des ententes précisant qu’en contrepartie du travail gratuit ou à rabais de la réalisatrice, impliquant généralement le prêt de son studio d’enregistrement, cette dernière a droit à une part plus importante des ventes d’albums ou à certaines redevances liées aux œuvres musicales.

Autrement dit, la réalisatrice pourrait vouloir être compensée pour certains services qui n’auraient pas été rémunérés — à titre d’exemple, une redevance de 10-15 %, calculée sur la part dite d’auteur de l’artiste et liée à l’exploitation des œuvres musicales (les redevances versées par la SOCAN, par exemple).

Dans cet exemple, il pourrait être convenu que la réalisatrice a droit à ces redevances, sans aucun contrôle sur l’œuvre musicale (permettant à l’artiste de prendre les décisions relatives à l’utilisation de l’œuvre).

Ces ententes peuvent être tout à fait légitimes, et il appartient à chacun d’en établir les bases — mais surtout d’en comprendre la portée !

L’idée n’est pas de nier le travail très souvent essentiel de la réalisatrice, mais bien de comprendre l’ensemble des droits en jeu et d’établir les bases d’une entente juste pour les deux parties, considérant l’implication de chacun.

Il me fera plaisir de vous guider dans sa rédaction ou d’en discuter davantage par téléphone ou courriel!

Crédit photo : Kevin Andre sur Unsplash

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