LE RÉALISATEUR : QUOI PARTAGER ET COMMENT RÉMUNÉRER ? (PARTIE 2)

COMMENT LE RÉMUNÉRER ?

  1. Forfaitaire/Horaire

Généralement, le réalisateur reçoit une rémunération de base. Qu’elle soit forfaitaire, variant selon un taux horaire, par session ou autrement, il s’agit d’une rémunération pour son temps et son expertise.  

Si le réalisateur reçoit aussi une redevance, la rémunération forfaitaire peut être versée sous forme d’avance récupérable (une avance sur les redevances à percevoir.) La portion de cette rémunération considérée comme une avance varie selon le pouvoir de négociation et le statut des parties impliquées : parfois 50 % de la rémunération peut être une avance récupérable, en passant par 100 % ou rien !

EXEMPLE A

Le réalisateur reçoit une rémunération de 10 000 $ (100 % sous forme d’avance).

Ce dernier doit attendre que l’artiste ou la maison de disques ait récupéré cette avance de 10 000 $, à même les redevances qui auraient été dues au réalisateur, avant de percevoir ses prochaines redevances.
  1. Redevances sur les ventes

Les points de réalisation

Traditionnellement, le réalisateur reçoit des redevances sur les ventes, communément appelées les points de réalisation

Dans les faits, cette pratique est encore principalement utilisée par les majors, et par ceux que les majors ont inspiré. Elle consiste à établir un point de pourcentage, habituellement soustrait de la redevance globale due à l’artiste. Cette redevance globale est elle-même calculée sur le prix de vente des enregistrements.

Autrement dit, la redevance du réalisateur constitue une portion de la redevance due à l’artiste par la maison de disques, qu’on désigne un point. Un point = 1 %.

Les points de réalisation varient grandement, selon le statut des parties impliquées — entre 3 % et 5 %+.

EXEMPLE B

Redevance de l’artiste : 15 %
Redevance du réalisateur : 3 % 

Très souvent, la redevance de l’artiste est une redevance dite tout inclus (all-in), incluant donc celle du réalisateur. 

Imaginons donc une redevance tout inclus de 15 % en faveur de l’artiste. Si le réalisateur a droit à 3 % (ou 3 points), l’artiste recevra alors une redevance nette de 12 %.

Cette notion de redevance nette est importante puisqu’il s’agit souvent du taux récupération de la maison de disques. Parce que non, la maison de disques ne récupère pas ses coûts avec tous les revenus, ni même avec la pleine redevance de l’artiste – non, ce serait trop en laisser sur la table pour les invités ! La récupération se fait plutôt généralement* à même la redevance nette de l’artiste.

Revenons à notre exemple. Imaginons que la maison de disques engage des coûts de production de 50 000 $; et que la redevance nette de l’artiste (12 %) équivaut à 1 $ par album vendu. La maison de disques aura récupéré ses coûts de production lorsqu’elle aura vendu 50 000 albums; à partir de la prochaine copie vendue, le réalisateur percevra sa redevance (à moins d’une avance [voir Exemple A] ou à moins d’une clause à la copie 1 [voir Exemple C].)

* Au Québec, les maisons de disques qui optent pour ce modèle traditionnel appliquent généralement un plus gros montant à la récupération. En effet, l’entente collective UDA/ADISQ (1997!) prévoit que la récupération se fait sur les revenus bruts du producteur, et que minimalement ces revenus bruts ne peuvent être inférieurs à 20 % du prix de gros de chaque album vendu, payé et non retourné. D’autres façons de récupérer sont aussi proposées…  chacun proposant un modèle différent.

PPD ou SLRP ?

Q. : 3 % de quoi ? 

R. : Du prix de vente.

Q. : Quel prix de vente ?

C’est ici qu’une autre distinction importante doit être faite : la redevance est-elle calculée sur le prix de vente au distributeur (PPD = Published Price to Dealers) ou sur le prix de vente au détail (SLRP = Suggested List Retail Price) ?

Pour nous éviter d’entrer dans les détails, je vous l’annonce : le prix de vente au distributeur est toujours moins élevé que le prix de vente au détail (en magasin). Autrement dit, 2 % du PPD est moins avantageux que 2 % du SLRP.

Et pour les autres revenus que les ventes?

Dans l’exemple ci-dessus, le réalisateur reçoit 20 % de ce qui est dû à l’artiste (3/15). 

C’est de cette façon qu’est calculée la redevance du réalisateur pour les revenus qui sont versés à l’artiste sous forme d’un pourcentage des revenus. Car si l’artiste est payé 12 % des ventes, il pourrait être rémunéré différemment pour d’autres sources de revenus, comme dans le cas des licences de synchronisation. Par exemple, si l’artiste a droit à 30 % des revenus découlant de ces licences, la redevance du réalisateur sera calculée en multipliant la somme due à l’artiste par la fraction établie (3/15 ou 20 %). 

La redevance calculée sur les revenus nets

Il existe une méthode alternative aux traditionnels points de réalisation : la redevance calculée sur les revenus nets.

De plus en plus de maisons de disques proposent aux artistes un partage des revenus nets ; donc après déduction de certains coûts, comme ceux de production (y compris la rémunération du réalisateur), de fabrication, de promotion, distribution, etc. 

Les artistes eux-mêmes proposent généralement ce type d’entente à leurs collaborateurs lorsqu’ils produisent et commercialisent indépendamment leurs enregistrements.

Incidemment, dans le cadre de ces ententes, la redevance du réalisateur est calculée de la même façon : un pourcentage des revenus nets, variant entre 15 % et 25 % de la part de l’artiste.

Pourquoi ce pourcentage ? 

En raison du système de point.

Rappelons que dans le système traditionnel, le réalisateur perçoit généralement entre 3 % et 5 %+ ; l’artiste perçoit entre 12 % et 20 %+.

Donc prenons l’exemple d’un réalisateur ayant droit à 4 points (4 %) ; et d’un artiste ayant droit à une redevance de 16 %. En divisant la redevance du réalisateur (4) par celle de l’artiste (16), nous arrivons au constat que le réalisateur a droit à 25 % de ce que l’artiste perçoit. Dans d’autres scénarios, nous pourrions arriver à 18,75 % (3/16) ou d’autres pourcentages. Les chiffres varient selon les ententes discutées, d’où la fourchette de 15 % à 25 % mentionnée plus haut.

Pour poursuivre dans l’exemple précédent, si la maison de disques partage avec l’artiste 50/50 des revenus nets, la redevance du réalisateur équivaudra à 12,5 % (25 % de la part de 50 % de l’artiste).

Beaucoup de réalisateurs se privent de ces redevances, en préférant parfois des cachets tout simplement plus élevés. Naturellement, si les enregistrements en question ne génèrent aucun revenu, ce choix est probablement le plus payant. Toutefois, dans le cas contraire, cela peut équivaloir à renoncer à d’importants revenus… qui ont l’avantage de perdurer.

À la copie 1

Comme si le calcul des redevances n’était pas assez compliqué, il existe un usage particulier pour celle du réalisateur : après récupération des coûts, il arrive que le réalisateur soit payé sur les premiers revenus générés, de façon rétroactive.

Autrement dit, aucune redevance n’est due au réalisateur avant que l’artiste ou sa maison de disques ne récupèrent leurs investissements (ou l’avance du réalisateur) ; toutefois, après récupération, le réalisateur a droit à sa redevance sur toutes les ventes faites depuis la copie 1 (retroactive to record one.)

Il s’agit d’un avantage considérable pour le réalisateur, alors que l’artiste est rémunéré seulement sur les ventes faites après la récupération. Il peut aussi s’agir d’un élément crucial dans l’entente, surtout lorsque l’artiste est responsable de rémunérer le réalisateur : l’artiste devra alors le payer pour des revenus sur lesquels il n’a pas encore droit à une redevance…

EXEMPLE C

Reprenons l’Exemple B : 50 000 albums vendus.

Rappelons que c’est à partir de la 50 001e copie que le réalisateur a droit à sa redevance (la maison de disques a récupéré ses coûts [50 000 $] à même la redevance nette de l’artiste [1$]).

La redevance du réalisateur sera alors calculée de façon rétroactive sur les 50 001 dernières copies. Si le réalisateur a droit à une redevance de 0,25 $, la maison de disques lui doit 12 500,25 $ (0,25 $ x 50 0001).

Jusqu’ici, tout va bien. Mais qu’en est-il si la responsabilité du paiement au réalisateur incombe à l’Artiste, comme c’est généralement le cas? L’artiste se trouve endetté de 12 500,25 $, alors qu’il a seulement perçu 1 $, pour la première copie vendue après la récupération. 

Imaginons maintenant que l’artiste a aussi reçu une avance de 10 000 $ : pendant que la maison de disques récupérera son avance à même les prochaines ventes (privant l’artiste de revenus), la dette de l’artiste envers le réalisateur continuera d’augmenter (le réalisateur est payé à compter de la récupération des coûts; l’avance de l’artiste ne l’affecte pas).

Les effets importants (terribles) de cette pratique deviennent plus concrets si nous augmentons la valeur des chiffres dans cet exemple!

Il s’agit d’un usage découlant des ententes dites traditionnelles de majors, justifié en partie par la redevance plus maigre qu’elles impliquent : je recommande donc de porter une attention (encore plus) particulière lorsqu’on la retrouve dans une entente de type partage de revenus nets. Dans tous les cas, ces clauses doivent être négociées et surtout… comprises !

  1. Redevances d’auteur/compositeur

Comme discuté précédemment (voir la Partie 1), certains réalisateurs participent à l’écriture, à la composition ou aux arrangements des œuvres à être enregistrées. Dans ces cas, ils deviennent cotitulaires des droits qui se rattachent aux œuvres et peuvent percevoir une portion des revenus qui en découlent.

  1. Les droits voisins

De plus en plus de réalisateurs exigent une portion de la part interprète des droits voisins, quel que soit le contexte de contrat (traditionnel ou non).

Dans certains cas, le nom du réalisateur vaut autant que celui de l’artiste et génère à lui seul des ventes ; dans d’autres, la participation du réalisateur à titre de musicien instrumentiste est omniprésente. Cette exigence pourrait aussi se justifier par le fait que cette source de revenus est parfois potentiellement plus importante que les ventes traditionnelles.

Autrement dit : rien n’est obligatoire, tout est négociable. Mais il s’agit d’une tendance de plus en plus marquée.

Dans les ententes traditionnelles, la redevance du réalisateur sera calculée en faisant une proportion entre ses points et ceux de l’artiste. Autrement dit, si le réalisateur a droit à 4 points (4 %), l’artiste a droit à une redevance de 16 %, le réalisateur percevra 25 % (4/16) des redevances payables à l’artiste au titre des droits voisins. 

Dans les ententes contemporaines (% des revenus nets), la redevance payable au réalisateur au titre des droits voisins équivaudra à sa redevance négociée sur les ventes. Autrement dit, s’il a droit à 25 % des revenus nets, il aura aussi droit à 25 % de la part interprète des droits voisins.

Comme vous pouvez le constatez, la rémunération du réalisateur peut s’avérer très complexe et impliquer des enjeux aussi importants : je recommande fortement de vous faire conseiller dans la révision de vos ententes, pour vous assurer une compensation juste/de ne pas être pris avec des modalités ridiculement contraignantes ! Appelez ou écrivez moi!

Crédit photo :  Leo Wieling sur Unsplash

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