CONTRAT DE RÉALISATION : 5 ÉLÉMENTS À CLARIFIER

QUI EST LE RÉALISATEUR ?

Petit rappel linguistique : dans l’industrie musicale, le terme producer réfère au réalisateur. Le producteur d’enregistrement sonores est plutôt responsable des opérations qui s’y rattachent, y compris leur financement — il se traduit au Canada par maker. 

Avant toute chose : qui est le réalisateur ?

De façon générale, le réalisateur est responsable de livrer à l’artiste (ou à la maison de disques, selon d’où provient la commande) des enregistrements finaux, dans une qualité (au moins) techniquement et commercialement satisfaisante. Il est responsable de transformer un produit créatif — parfois inabouti, parfois avancé — en un produit physique et concret.

Le rôle du réalisateur est fondamental dans le contexte d’enregistrement — il peut se décliner en trois grandes facettes : l’administration, la création et la technique. 

Voici quelques-unes de ses fonctions usuelles :

Administratives

  • Conseil et lien avec la maison de disques ;
  • Planification et organisation des sessions de répétition, de préproduction et d’enregistrement ;
  • Sélection et engagement des musiciens ;
  • Préparation de la documentation liée aux échantillons (samples), contrats d’engagement, contrats syndicaux (UDA, Guilde, etc.) 

Créatives…

  • Participation au choix des chansons  ;
  • Participation au choix du personnel d’enregistrement ;
  • Participation à l’écriture, à la composition ou aux arrangements (selon le cas);
  • Direction artistique ;
  • Supervision des sessions de studios .

Techniques…

  • Participation à titre d’ingénieur de son ;
  • Participation au mixing (et/ou mastering) ;
  • Supervision des sessions d’enregistrement, mixing, matriçage, test press et des autres aspects techniques, etc.

Cette liste n’est pas exhaustive, et ces fonctions varient selon une multitude d’éléments, incluant le statut du réalisateur, sa rémunération et les besoins de la commande. Mais sachant que certains offrent la majorité ou l’ensemble de ces services, une négociation conséquente doit être faite lorsque le rôle est plus limité ! 

Voici justement 5 éléments à aborder dans le cadre de vos négociations.

  1. CACHET ET REDEVANCES

Quelle est sa rémunération ? 

S’agit-il d’un cachet forfaitaire ou d’une avance sur des redevances à recevoir sur les ventes?  Pour plus d’information sur les formes de rémunération généralement versées, je vous invite à lire ce texte.

Rappel : La méthode traditionnelle de calcul basée sur le prix de gros/prix de détail est toujours valide et d’actualité — ce sont les fameux points. Toutefois, plusieurs favorisent la redevance basée sur les revenus nets (revenus totaux moins certains coûts [production, commercialisation, fabrication, etc.]).

Dans ce cas, comme le standard de 3 % à 5 %+ représente généralement environ 15 % à 25 % de la redevance globale versée à l’artiste par la maison de disques, il devient pertinent de calculer son équivalent sur les revenus nets. 

À titre d’exemple, si la maison de disques partage les revenus nets avec l’artiste dans une proportion de 50/50, la part du réalisateur pourrait équivaloir à 10 % des ventes (soit 20 % de la part de 50 % de l’Artiste). Inclut-on aussi les revenus liés à la synchronisation ? Aux droits voisins ? Pas forcément : tout est une question de négociation ! 

Trucs du métier

  • Points vs % des Revenus Nets. Beaucoup se fient à leurs lectures sur le web ou aux conseils de collègues pour établir qu’ils ne travaillent jamais en dessous de 2 points. Toutefois, ce système de points fonctionne spécifiquement dans un modèle de type major. Dans un contexte où ce sont les revenus nets qui sont en jeu, il faut faire la conversion applicable pour que la rémunération soit sensée ! Autrement, le réalisateur pourrait se retrouver avec une redevance de 2 % des revenus nets… croyant erronément que c’est l’équivalant de ses 2 points habituels.
  • Droits voisins. Si le réalisateur obtient un pourcentage de la part interprète des droits voisins, je recommande d’indiquer que les autres interprètes sur l’enregistrement partageront aussi leurs parts respectives. À défaut, le réalisateur pourrait avoir droit seulement à un % de la part d’un des artistes, plutôt que sur toute la part interprète de l’enregistrement. 
  • Récupération. La récupération des coûts peut s’avérer très complexe, et je recommande d’y apporter une attention particulière. À titre d’exemple, le réalisateur a intérêt à ce que toute avance faite à l’artiste soit exclue des coûts récupérables. Rappel : la redevance de réalisation est payée après récupération des coûts. Sans contrôle (ou compréhension) de la récupération, cette redevance pourrait ne jamais voir la lumière du jour ! 
  1. DROITS D’AUTEUR

Le réalisateur est-il propriétaire des bandes maîtresses (à titre d’interprète ou même de producteur — notamment parce qu’il aurait investi en fournissant son studio d’enregistrement) ? Sur les œuvres musicales (à titre d’auteur/compositeur) ?

Votre contrat doit établir clairement quels sont ses droits. 

À titre de rappel :

  • Les droits sur l’enregistrement sonore appartiennent à celui qui le produit (généralement, celui qui en assume la responsabilité financière) ;
  • Les droits sur l’œuvre musicale appartiennent à ceux qui l’écrivent ou la composent.  

Trucs du métier

  • Revenus éditoriaux. Certains réalisateurs exigent un partage des revenus éditoriaux — qu’ils aient raison ou non*, un compromis raisonnable pourrait être d’accorder un pourcentage des revenus, tout en précisant que le contrôle des œuvres appartient à l’artiste ou à ses représentants.

    Autrement dit, le réalisateur aurait droit à une part des revenus, mais ne pourrait s’opposer à une synchronisation.

    * à mon avis, le partage des droits sur une œuvre devrait découler de la participation à son écriture/composition. 
  1. LIVRAISON ET BUDGET

Comme le réalisateur s’engage généralement à livrer des enregistrements finaux, je recommande d’établir une date de livraison ferme (pouvant être modifiée d’un commun accord). 

Par ailleurs, si le réalisateur est responsable d’administrer le budget, y compris les différentes opérations liées à l’enregistrement, il doit être tenu responsable de tout dépassement budgétaire… ou du moins d’obtenir une autorisation avant d’engager des dépenses non budgétées. 

Trucs du métier

  • Rétention des enregistrements. Pour éviter toute surprise en fin de projet, je suggère fortement à tout réalisateur de retenir tous les fichiers audios ainsi que les enregistrements finaux jusqu’à la signature de l’entente et du parfait paiement des sommes dues. Il est toujours plus facile de réclamer son dû avec cette monnaie d’échange. 
  • Engagement de tierces parties. Toujours pour éviter une surprise, je recommande d’établir clairement que la participation de toute tierce partie à la réalisation ou aux enregistrements doit être approuvée par l’artiste (ou par la maison de disques, selon d’où provient la commande). Autrement, certains individus jamais rencontrés pourraient prétendre à des droits sur les enregistrements finaux ou les œuvres musicales.
  1. CRÉDIT

Les parties au contrat ont intérêt à établir rapidement quels seront les crédits accordés au réalisateur (et comment ce crédit apparait), selon l’implication envisagée. En abordant cette question au début de la relation, cela permet aussi de mettre en lumière le rôle qu’entend prendre le réalisateur. 

  1. QUI PAIE ? 

Voici une question que TOUS devraient se poser… et autant l’artiste que le réalisateur devraient viser cette réponse : la maison de disques !  

Du point de vue du réalisateur, l’artiste pourrait ne pas avoir les ressources nécessaires pour payer la redevance lorsqu’elle est due (lire cet article, pour la fameuse copie 1). Par ailleurs, selon mon expérience et respectueusement, rares sont les artistes ayant des compétences exemplaires en comptabilité. 

Du point de vue de l’artiste, les raisons ci-dessus s’appliquent à l’inverse ! 

Autrement dit, il arrive que la maison de disques signe directement le contrat avec le réalisateur, auquel cas elle devient responsable de sa rémunération.

Toutefois, il arrive aussi que l’artiste engagé auprès d’une maison de disques doive signer lui-même les ententes nécessaires avec le réalisateur — c’est ici que l’artiste et le réalisateur ont intérêt à impliquer rapidement la maison de disques ! 

Trucs du métier

  • Lettre de direction. La lettre de direction est un document adressé par l’artiste à sa maison de disques, lui demandant de rémunérer le réalisateur à sa place, selon les conditions du contrat – dans les faits, l’artiste demande à sa maison de disques de payer le réalisateur, en déduisant les sommes payables de sa part. Dans ce document, la maison de disques n’a généralement pas l’obligation de le faire… mais s’il s’agit d’un usage habituellement respecté.
  • Droit de vérification. Lorsque le réalisateur signe avec l’artiste, son droit de vérification se limite généralement aux livres de l’artiste. Or, si l’artiste est lui-même engagé auprès d’une maison de disques, le contrat de réalisation devrait minimalement prévoir un droit pour le réalisateur de se joindre à toute vérification faite par l’artiste auprès de sa maison de disques (piggy-back right). Le réalisateur pourra alors percevoir sa part des revenus au prorata de celle perçue par l’artiste.

Le contrat de réalisation peut s’avérer complexe et comporter des enjeux techniques importants. Il me fera plaisir de vous aider dans sa rédaction/révision ou d’en discuter davantage par téléphone ou courriel.

Crédit photo : Steven Weeks sur Unsplash

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