Il n’y a encore pas si longtemps, être signé par une maison de disques était une nécessité pour aspirer aux grands honneurs (commerciaux, du moins).
Cela dit, et bien que la pertinence de la maison de disques n’ait évidemment pas disparu, l’accessibilité aux moyens d’enregistrements et aux méthodes de production sonore ont permis à une nouvelle génération de producteurs de voir le jour et de s’affirmer : les artistes mêmes.
« Reste propriétaire de tes bandes maîtresses; profite de tes droits voisins; garde le contrôle sur ton album, etc.»
Ce genre de conseils fuse actuellement au sein de toutes les sphères indépendantes et underground. Non pas sans raison puisqu’il existe évidemment un réel intérêt à garder mainmise sur son projet et à bénéficier de tous les revenus qui en découlent – évidemment, pour autant que les capacités financières et administratives le permettent!
Car qui dit autoproduction dit nombreuses responsabilités de production : rémunération des musiciens, des techniciens, du réalisateur, de l’arrangeur, du studio; respect des ententes collectives; organisation des horaires de répétition et d’enregistrement; mixing et mastering; graphisme, pochette et duplication; et… signature des ententes nécessaires à l’exploitation des enregistrements sonores!
Parce que lorsque Spotify, Bandcamp ou une maison de disques licenciée demandera au groupe autoproducteur de lui garantir qu’il détient bel et bien l’ensemble des droits sur ses enregistrements sonores, encore faudra-t-il que des ententes l’aient prévu!
« Pas besoin d’entente, mon réalisateur est le meilleur ami de mon chum. » …
Hormis le fait que cette réponse n’est pas satisfaisante pour votre interlocuteur, permettez-moi de vous en reparler au prochain versement de 45 000,00 $ de la part de la société SoundExchange! Par expérience, mieux vaut ne pas laisser l’argent et le succès mettre au défi l’amitié.
En attendant, voici trois contrats essentiels à tout artiste désirant entreprendre la voie de l’autoproduction… l’esprit tranquille.
1. Contrat d’engagement (musicien)
Par exemple… un saxophoniste est engagé pour un solo et des fioritures musicales en introduction.
Bien que cela n’ait pas d’impact direct sur l’exploitation de l’enregistrement sonore, il est important de clarifier le statut et l’implication du musicien à l’égard de l’œuvre musicale (paroles/musique). Le musicien participe-t-il à la composition, et si oui, quelle est l’entente relative aux droits ainsi qu’aux redevances?
Par ailleurs, il faut se rappeler que l’artiste interprète détient un droit d’auteur sur sa prestation artistique, incluant le droit exclusif d’en autoriser l’exploitation. Autrement dit, sans l’autorisation expresse de la part de l’artiste interprète, le producteur ne peut exploiter l’enregistrement incorporant sa prestation artistique; sans cette autorisation, le producteur ne peut autoriser la diffusion de son enregistrement via Spotify pas plus qu’il ne peut autoriser sa synchronisation à une publicité. Une entente écrite doit donc intervenir pour clarifier cette situation.
Évidemment, rien ne devrait empêcher l’artiste interprète concerné de percevoir les redevances qui lui sont reconnues notamment au titre des droits voisins; c’est le contrôle de l’enregistrement sonore dont il est question ici.
Le même type d’entente devrait par ailleurs intervenir avec l’arrangeur, avec ceux qui s’occupent du mixing et du mastering, ainsi qu’auprès de toute personne intervenant de près ou de loin à la création de l’oeuvre musicale et à la production de l’enregistrement sonore.
2. Contrat d’engagement (réalisateur)
Parce que le rôle du réalisateur (producer) peut s’avérer nébuleux dans de nombreuses situations et qu’il arrive par ailleurs souvent qu’il soit le seul individu rémunéré pour ses services dans le processus d’enregistrement, il est important de s’entendre avec lui, avant de commencer le travail, sur sa participation dans l’œuvre musicale et dans l’enregistrement sonore.
Le réalisateur fournit-il son studio gratuitement ou à prix forfaitaire? Pourrait-il conséquemment être considéré au titre d’investisseur… et de producteur ? Participe-t-il à la composition ou à l’écriture? Des redevances au titre du droit d’auteur sur l’œuvre musicale (revenus d’édition) lui seront-elles versées ? Sur les ventes d’albums? Sur les droits voisins? Quel est son cachet fixe? Ce cachet est-il récupérable avant que des redevances ne lui soit versées? Agit-il à titre de musicien dans le cadre de l’enregistrement et détient-il conséquemment des droits sur ses prestations artistiques ?
Ce sont toutes des questions auxquelles il est essentiel de répondre avant d’entamer les démarches… pour éviter toute surprise à l’étape de la commercialisation. Vous trouverez ici plus d’information sur le contrat de réalisateur.
3. Contrat de groupe
À l’intérieur même d’un groupe, le partage des droits et des responsabilités peut devenir un sujet sensible : qui est le producteur? Les dépenses assumées par un des membres étaient-elles un prêt aux autres ou son intention était plutôt de demeurer seul producteur? Que se passe-t-il si un membre du groupe quitte la formation? À titre de coproducteur, peut-il obstruer l’exploitation des enregistrements? À titre d’artiste interprète, peut-il aussi obstruer l’exploitation des enregistrements ? Comment sont répartis les droits d’auteur sur les œuvres musicales écrites et composées?
Bien que ces questions puissent sembler d’une extrême platitude pour de nombreux artistes, n’en demeure pas moins qu’elles sont fondamentales pour la poursuite des activités artistiques de toute formation musicale! Pour ceux qui s’y intéresseraient davantage, voici un texte qui s’y attarde de façon plus élaborée.
Bref, la propriété d’une bande maîtresse peut devenir un actif très important dans la carrière d’un artiste, autant financièrement que moralement. Cela dit, encore faut-il s’assurer de réellement détenir l’ensemble des droits sous-jacents permettant son exploitation… sans soucis!
N’hésitez pas à me contacter pour en discuter plus longuement!
:: Crédit photo :: Tigran Newman