Vaste sujet que j’ai choisi aujourd’hui !
Pour éviter de me perdre dans les méandres qu’offre l’immense culture hip-hop, je vais immédiatement circonscrire la discussion : les droits musicaux dans le rap.
J’ai récemment eu envie d’aborder le sujet, puisque les dernières années m’ont amené à poser ce constat : beaucoup croient à tort que le rap est différent des autres genres; beaucoup ne se reconnaissent tout simplement pas au travers des concepts généraux de propriété intellectuelle.
Autrement dit, vous êtes rapper ? beatmaker ? Et vous vous demandez quels droits vous avez sur vos chansons? Le but de ce texte est de vous rappeler ceci : vous avez les mêmes droits que tous les autres !
L’industrie du rap a beau avoir son propre langage, ses propres protocoles et ses usages, la question des droits d’auteur ne change pas.
Oui, le droit d’auteur vise entre autres les auteurs, les compositeurs, les producteurs et les artistes interprètes. Mais sachez ceci : chacun de ces rôles est assumé par quelqu’un dans le processus artistique lié au rap.
Avant toute chose, une distinction fondamentale doit être faite entre :
Autrement dit, l’œuvre musicale est le contenu, l’enregistrement sonore en est le contenant.
La même oeuvre peut être réenregistrée plusieurs fois ; il peut donc exister de multiples versions et enregistrements sonores d’une seule et même œuvre musicale.
Cette distinction est FONDAMENTALE et au CŒUR de l’industrie musicale : elle permet de distinguer les différents ayants droit et les sources de revenus qui leur sont dues. Autrement dit : QUI FAIT QUOI ? QUI REÇOIT QUOI?
AUTEUR
Rôle
Écrit les paroles.
Œuvre musicale ou Enregistrement sonore ?
Détient certains droits sur l’oeuvre musicale.
Revenus
Les revenus découlant de l’œuvre musicale sont communément désignés les revenus éditoriaux (publishing revenues, en anglais).
Ces revenus éditoriaux incluent principalement :
- Les redevances d’exécution publique (généralement versées par les sociétés de gestion collective, p. ex. la SOCAN) ;
- Les redevances de reproduction mécanique (généralement versées par les sociétés de gestion collective, p. ex. la SOCAN-DR) ;
- Les revenus de synchronisation : lorsque l’œuvre musicale est synchronisée à une image (TV, publicité, film, etc.), une licence doit être obtenue et payée par le producteur. L’auteur a droit à une partie de ces revenus.
COMPOSITEUR
Rôle
Compose la musique.
On fait généralement référence au beatmaker.
Œuvre musicale ou Enregistrement sonore ?
Détient certains droits sur l’oeuvre musicale.
Revenus
Les revenus découlant de l’œuvre musicale sont communément désignés les revenus éditoriaux (publishing revenues, en anglais).
Ces revenus éditoriaux incluent principalement :
- Les redevances d’exécution publique (généralement versées par les sociétés de gestion collective, p. ex. la SOCAN) ;
- Les redevances de reproduction mécanique (généralement versées par les sociétés de gestion collective, p. ex. la SOCAN-DR) ;
- Les revenus de synchronisation : lorsque l’œuvre musicale est synchronisée à une image (TV, publicité, film, etc.), une licence doit être obtenue et payée par le producteur. Le compositeur a droit à une partie de ces revenus.
INTERPRÈTE
Rôle
Interprète une œuvre musicale. On fait généralement référence au rapper, au beatmaker, au DJ, au musicien(ou à toute autre personne qui interprète en studio).
Œuvre musicale ou Enregistrement sonore ?
Détient certains droits sur l’enregistrement sonore.
Généralement, l’interprète a une entente avec le producteur de l’enregistrement sonore (voir ci-dessous) — il lui transfère certains droits, en échange d’un partage des revenus sur l’enregistrement.
Revenus
Les revenus découlant de l’enregistrement sonore sont communément désignés les revenus d’enregistrement (master revenues, en anglais).
Ces revenus incluent principalement :
- Les revenus liés à la distribution des enregistrements (diffusion en continu [streaming], ventes physiques, ventes numériques) ;
- Les revenus de synchronisation : lorsque l’enregistrement sonore est synchronisé à une image (TV, publicité, film, etc.), une licence doit être obtenue et payée par le producteur. L’interprète peut avoir droit à une partie de ces revenus;
- Les redevances découlant de l’exécution publique des enregistrements sonores (communément appelées les redevances de droit voisin). Ces redevances sont généralement versées par les sociétés de gestion collective, p. ex. ARTISTI, SOPROQ et Soundexchange. L’interprète a droit à la part dite d’interprète de ces droits.
PRODUCTEUR
Rôle
Assume les frais liés à l’enregistrement et les opérations nécessaires à l’enregistrement — ceci inclut notamment les frais de studio, cachets des musiciens, etc.
Attention : le producer se traduit plutôt par réalisateur en français. Ce sont les notions de prise de risque et d’apport financier qui caractérisent principalement le producteur.
Œuvre musicale ou Enregistrement sonore ?
Détient des droits sur l’enregistrement sonore.
Pour exploiter l’enregistrement sonore qu’il produit, le producteur contracte avec l’interprète pour que ce dernier lui transfère les droits nécessaires. Le producteur contracte donc avec tous les interprètes collaborant à l’enregistrement (le raper, le beatmaker, le DJ, les musiciens et toute autre personne qui interprète en studio).
Revenus
Les revenus découlant de l’enregistrement sonore sont ceux décrits dans la section dédiée au producteur.
À l’égard des droits voisins, le producteur a quant à lui droit à la part dite producteur (owner’s share, en anglais) de ces redevances.
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Crédit photo : Gordon Cowie sur Unsplash