Le contrat de disque est probablement l’un des plus symboliques et emblématiques de l’industrie musicale.
Peut-être parce qu’il représente à lui seul une époque charnière dans l’histoire de la musique (s’il faut le rappeler : l’âge d’or du disque) ou qu’il s’avère généralement pour l’artiste, à tort ou à raison, un point culminant dans sa carrière… [ou peut-être que je suis tout simplement le seul à accorder une poésie à certains documents juridiques.]
Le contrat de disque se retrouve sous différentes appellations… le contrat d’enregistrement exclusif; le contrat de production; le contrat d’artiste; la convention d’enregistrement sonore… mais désigne de manière générale le même objet :
Le producteur (souvent la maison de disques) retient les services exclusifs de l’artiste aux fins d’enregistrer un ou plusieurs albums, dont il sera propriétaire et qu’il s’engage à exploiter en contrepartie d’une redevance à l’artiste.
Ci-dessous, vous trouverez cinq clauses essentielles à comprendre et à connaître dans le CONTRAT DE DISQUE :
1. Exclusivité des services
Le contrat de disque stipule généralement que l’artiste fournira ses services d’artiste interprète de façon exclusive à la maison de disques, pendant toute la durée du contrat. En effet, peu de producteurs ont intérêt à investir des sommes dans la carrière d’un artiste qui ira enregistrer pour un compétiteur, avant qu’il n’ait pu écouler ses options…
Cela dit, il est important de s’assurer que le contrat n’ait pas pour effet d’empêcher les membres d’un groupe de fournir leurs services d’interprètes à d’autres artistes.
:: Est-il possible de limiter l’exclusivité des services à l’artiste vedette, s’il y a lieu? Est-il possible de limiter l’exclusivité des services de tous les membres dans la seule mesure où au moins trois des cinq membres du groupe décident de former un nouveau groupe? Est-il possible de limiter l’exclusivité aux activités du groupe, seulement lorsqu’il agit sous son propre nom ? Par ailleurs, qu’advient-il lorsque la maison de disques vend son entreprise ou ses actifs à une autre – l’artiste sera-t-il lié à l’acheteur pour ses prochains albums? ::
2. Durée
Généralement, la durée d’un contrat de disque se calcule en nombre d’albums ou d’enregistrements. L’artiste garantit ses services pour 1 album; pour un 1 album et 2 options; pour 4 options [à éviter], etc.
La propriété des bandes maîtresses appartenant à la maison de disques, cette dernière exploitera généralement à perpétuité les albums produits dans le cadre du contrat. Mais il importe de limiter la durée pendant laquelle l’artiste est lié à la maison de disques; évidemment, le moins d’option possible est le mieux pour l’artiste, qui pourra démarcher un producteur différent plus rapidement si l’expérience n’a pas été concluante.
Il est par ailleurs important de s’assurer que le refus (ou l’oubli) pour la maison de disques de lever une option fera tomber les options subséquentes, le cas échéant.
3. Budget
Peu de maisons de disques osent se commettre, mais l’artiste aura un grand intérêt à obtenir une garantie : combien sera minimalement investi sur le ou les albums? Si la seule réponse possible est « cela dépend de subventions » ou « nous avons 500 $ pour commencer », je vous suggère sérieusement de vous poser la fameuse question du chroniqueur économe Pierre-Yves McSween : en as-tu vraiment besoin ?
4. Redevance
Selon mon expérience, deux grandes tendances se chevauchent actuellement en matière de partage des revenus avec les artistes : alors que certaines maison de disques préfèrent verser une redevance équivalente à un pourcentage de chaque album vendu (à titre de référence seulement, au Québec, généralement situé entre 10 et 16 % du prix de gros), après récupération des coûts de production, d’autres préfèrent partager les revenus nets (50/50 par exemple) découlant de l’exploitation des enregistrements, après récupération des coûts de production et des coûts de commercialisation.
Beaucoup de subtilités peuvent être relevées dans les sections visant le partage des redevances, et il est primordial d’obtenir les conseils d’une personne d’expérience dans l’analyse et la négociation de ces clauses. Minimalement, qui dit récupération dit remboursement des dépenses : la notion d’un contrôle des dépenses/respect des budgets soumis devrait apparaître au contrat, sans quoi les redevances pourraient ne jamais voir le jour!
5. Sources de revenus
La notion du contrat 360 fait grandement parler, depuis toujours; elle est critiquée par les uns, justifiée par les autres. Grosso modo, le 360 est une façon pour la maison de disques d’alléger le risque financier inhérent à la production d’album… ou tout simplement d’assurer sa prospérité.
Avant de signer un contrat 360, la question la plus importante à se poser est la suivante : qui est la maison de disques ? Elle veut les éditions, la gérance et le spectacle, en plus du disque, certes. Mais est-elle en mesure de justifier ces rôles ? Est-elle éditrice ; productrice de spectacles ? Jouit-elle d’une équipe compétente dans ces domaines? D’autres peuvent-ils mieux le faire ? Poser la question, c’est parfois y répondre!
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Les contrats de disque existent sous des formes multiples et les intervenants sont de plus en plus nombreux – de votre comptable s’improvisant producteur à Universal Music, un spectre immense de joueurs sillonnent l’industrie avec des documents parfois aussi particuliers que complexes : l’artiste devrait en tout temps solliciter les services d’un avocat pour l’accompagner dans la révision et la négociation de ces ententes… qui souvent s’avèrent d’une grande importance dans sa carrière!
Passez au bureau, je vous offre le café.
:: Crédit photo: Nick Hillier
Très intéressant billet. Mais qu’est-ce donc qu’un contrat 360 ? ( veuillez pardonner mon ignorance)
Bonjour! Le 360 réfère généralement au caractère global et enveloppant du contrat : l’artiste confiera à l’autre partie (généralement la maison de disque) la gestion des différents aspects de sa carrière, incluant la gérance, le disque, les éditions et le spectacle. L’artiste voit sa carrière confiée à ‘360 degrés’.
J’ajouterais aussi:
Quels sont les revenus permettant la récupération?
Est-ce que les revenus des synchros font partie du calcul ?
Est-ce que les revenus de droits voisins (SOPROQ, SoundExchange Rights Owner, etc) font partie du calcul ?
Effectivement, de multiples autres questions peuvent être posées, et c’est pourquoi il est important de faire un survol exhaustif de chaque entente!
De façon générale, le producteur partage avec l’artiste les revenus générés par la synchronisation, mais conservent ses redevances perçues au titre des droits voisins (reconnus aux producteurs) – libre à chacun de négocier autrement, bien sûr! Pour ce qui est de la récupération, l’artiste aura évidemment intérêt à voir l’ensemble des revenus y être affectés…!
J’aimerais votre opinion vis à vis les compagnies de disques qui font la distribution du produit mais qui n’investissent pas dans la production du produit. Est ce qu’ils peuvent percevoir quand même 50% des revenus de la vente des disques ?
Bonjour! Pour répondre à votre question, j’aurais de plus d’information.. s’agit-il d’un contrat de licence? Quel sont les investissements effectués? S’il ne s’agit que de la distribution, 50 % m’apparaît effectivement exagéré…