« Réinventez-vous ! », qu’ils disaient au printemps 2020… il y a maintenant 1 an!
Depuis, l’industrie de la culture et du spectacle fait des pieds et des mains pour mettre en place des initiatives pertinentes… pour garder la tête hors de l’eau et offrir à son public et à ses acteurs un semblant de normalité.
Bien sûr, les captations audiovisuelles existent depuis longtemps; mais depuis l’imposition des règles sanitaires par les autorités gouvernementales, il va sans dire que beaucoup se sont tournés vers le numérique. Les prestations intimes dans une chambre, dans une piscine ou sur un toit, les prestations live et mises en scène déjantées [devant public ou personne], les festivals en formules numériques, etc. : la réinvention s’est déployée sous de nombreuses formes.
Et si certains y ont découvert un grand intérêt à pouvoir regarder leurs artistes préférés dans le confort de leurs salons, d’autres ont eu la lourde tâche de mettre en place et/ou d’apprendre la logistique technologique et administrative importante que représentent la captation et la diffusion d’un spectacle!
Pour beaucoup, y compris les avocats (!), cette nouvelle réalité est un véritable casse-tête. Je propose donc bien humblement d’en aborder cinq de ses pièces afin d’y voir un peu plus clair…
Producteur du spectacle vs producteur de la captation audiovisuelle
Pour de nombreuses raisons, y compris celle de savoir si les ententes collectives visées ci-après pourraient s’appliquer, il importe de connaître qui est le producteur – du spectacle faisant l’objet de la captation ET de la captation elle-même.
Voici d’ailleurs deux dimensions fondamentales dont il faut tenir compte pour confirmer le statut d’un producteur : il est (1) celui qui prend le risque financier et (2) celui qui retient les services des participants.
À titre d’exemple, le festival qui achète un spectacle clé en mains de Klô Pelgag (déjà mis en scène, monté et prêt à être présenté devant un public) ne retient pas les services des artistes, du personnel et des autres créateurs; il diffuse une production déjà existante, qu’un producteur a auparavant orchestrée. Par contre, le même festival qui achète le spectacle, mais qui finance la production d’une captation audiovisuelle – qui prend en charge tous les aspects financiers et administratifs de la captation – sera a priori le producteur de ladite captation.
Propriété de la captation
L’importance de déterminer le statut du producteur est d’autant plus réelle que cela permet généralement de justifier la propriété des droits : sauf exception, le producteur est le propriétaire du produit… qu’il produit (e.g. l’enregistrement sonore, le spectacle et la captation audiovisuelle.) Attention : il importe de circonscrire les paramètres de la propriété; ce que le producteur peut ou ne pas faire avec ladite captation, y compris sur les prestations artistiques et les œuvres musicales qui y sont incorporées.
Autorisation
À cet effet, le producteur doit obtenir l’autorisation de tous les créateurs et ayants droit de la captation audiovisuelle, y compris les artistes interprètes et autres créateurs associés à la performance (mise en scène, décor, éclairages, etc.) avant de pouvoir l’exploiter à son entière discrétion – il importera donc de formaliser cette entente dans un document écrit, où les modalités d’exploitation de la captation audiovisuelle seront prévues.
Par ailleurs, et sauf exception, aux fins de synchroniser les œuvres musicales incorporées aux prestations artistiques de la captation audiovisuelle, le producteur devra obtenir l’autorisation de leurs ayants droit (auteur/compositeur/éditeur) – dans le cadre d’une licence de synchronisation.
Ententes collectives
De façon générale, lorsque le producteur n’est pas membre d’une association de producteur (e.g. ADISQ), il n’est pas soumis aux ententes collectives négociées dans son secteur avec les unions ou autres associations d’artistes (e.g. entente UDA/ADISQ) … et ce, tant et aussi longtemps que ces dernières n’envoient pas un avis de négociation en vue d’établir des conditions d’engagements particulières. A contrario, lorsque le producteur est membre d’une association, plusieurs règles particulières sont applicables – je vous invite à prendre connaissance des ententes en vigueur!
Rémunération
Avant toute chose – qu’inclut-elle? Beaucoup offrent des rémunérations forfaitaires aux artistes engagés pour les fins de la captation – et souhaitent notamment inclure les droits d’exploitation sur les oeuvres musicales incorporées aux prestations artistiques de la captation audiovisuelle. Autrement dit, ils souhaitent que la rémunération couvre à la fois les services rendus dans le cadre de l’enregistrement, les droits d’exploitation sur les prestations artistiques, mais aussi une licence de synchronisation à l’égard de l’œuvre. Attention : l’artiste engagé n’est pas forcément le titulaire des droits sur ladite œuvre musicale (peut-être s’agit-il d’une reprise d’une œuvre (i.e. cover), peut-être l’artiste engagé n’est-il qu’interprète, l’œuvre musicale ayant été écrite par un auteur tiers, peut-être les droits sur l’œuvre appartiennent-ils à un éditeur, etc.)
Il importe donc de s’assurer que l’artiste engagé est en mesure d’accorder les droits nécessaires pour l’exploitation de l’œuvre musicale incorporée à la captation, à défaut de quoi, une licence de synchronisation en bonne et due doit intervenir avec les personnes concernées.
Cette nouvelle réalité des spectacles numériques risque de demeurer encore un moment – il n’est jamais trop tard s’assurer d’être en règle! Je suis disponible pour en discuter si l’envie vous prend.
Crédit photo : Camille Gladu-Drouin //
Conception et réalisation scénique de la photo : Pestacle