31 octobre 2025

🎤 Entrevue — Justin Boisclair (Artiste/Gérance)

Justin fait partie de ceux qui attirent le respect par leur calme et bienveillance. Il y a dĂ©jĂ  plusieurs annĂ©es que j’ai dĂ©butĂ© ma collaboration avec lui (et son groupe LaF); et je suis depuis son ascension et le dĂ©veloppement de sa carrière, avec beaucoup d’admiration. C’Ă©tait un grand plaisir qu’il accepte de faire cette entrevue, que je suis très heureux de partager avec vous ce matin !

En quelques mots, qui es-tu et que fais-tu ?

Je suis Justin Boisclair aussi connu par certain-nes sous mon nom d’artiste Bkay. Je fais du rap depuis plus de 10 ans maintenant notamment au sein du groupe LaF. Je fais aussi de la gérance d’artistes à mon compte pour Aswell, LaF, Mantisse et Woody. J’ai commencé la gérance avec LaF de façon non officielle par besoin de structurer le band à ses débuts et de fil en aiguille, c’est devenu plus professionnel avec les années. Ça fait environ 2 ans que je travaille avec d’autres artistes que mon groupe en gérance.

Ă€ quoi ressemble ton quotidien professionnel ? 

C’est un genre de 9 Ă  5 Ă  gĂ©omĂ©trie variable. C’est un compromis entre discipline personnelle, accomplissement de toutes mes responsabilitĂ©s de gĂ©rance et un «go with the flow» selon ce que j’ai envie de faire dans la journĂ©e. J’aime avoir un horaire flexible mais j’ai aussi un besoin parfois obsessionnel de finir ma to-do list de la semaine Ă  tout prix. Ă€ travers tout ça, le crĂ©atif existe plus dans des sessions de studio fixĂ©es Ă  mon horaire, soit les soirs de semaine, la fin de semaine ou des journĂ©es oĂą je vais prendre off d’ordinateur. C’est aussi important pour moi de faire de la place dans mon horaire pour tout ce qui est santĂ© mentale et physique. 

En bref, l’avantage de mon horaire de travail c’est que c’est mega flexible et le désavantage (comme pour bien des gens dans l’industrie de la musique) c’est l’incapacité à vraiment déconnecter pour de bon à un moment donné dans ma journée. J’y arrive mieux qu’avant cependant!

Tu as une carrière prolifique, autant sur le plan personnel que des collaborations — quelles sont les qualitĂ©s/compĂ©tences principales qu’un artiste doit dĂ©velopper pour se dĂ©marquer et naviguer sainement dans l’industrie musicale ? 

Il y a beaucoup de choses diffĂ©rentes dans cette question. Je pense qu’il y a plusieurs recettes pour arriver Ă  se dĂ©marquer et Ă  naviguer sainement dans cette industrie-lĂ . Je ne pense pas avoir de rĂ©ponse exacte ou monolithique Ă  la question. Ceci Ă©tant dit, y’a clairement quelques trucs qui rĂ©sonnent pour moi et auxquels j’essaye de m’accrocher.

C’est important de se casser la tĂŞte pour faire diffĂ©rent. Garder la fougue du dĂ©but et la rĂ©-allumer tout le temps. ĂŠtre curieux, se remettre en question et ne pas croire qu’on a tout compris Ă  un certain moment. Tout change vraiment vite tout le temps et il faut s’y adapter. 

Autrement, c’est important de rester le plus connectĂ© Ă  soi-mĂŞme possible. Rester Ă  l’écoute de ses besoins, connaĂ®tre ses limites. Se rappeler qu’on fait ça pour le plaisir et le besoin de se sentir vivant avant tout. C’est un privilège de faire de la musique, faut pas l’oublier. Bien s’entourer Ă©videmment, choisir et re-choisir les gens qui nous entourent, prendre soin d’eux puis les laisser prendre soin de nous! 

Quelle est ta plus grande fiertĂ© ou ta plus grande rĂ©alisation des dernières annĂ©es ? 

La crĂ©ation des albums et les gros shows en salles et en festivals de LaF. Toutes les premières fois particulièrement. C’est des souvenirs tellement prĂ©cieux. Y’a quelque chose de tellement envoutant et grand dans les premières annĂ©es d’un projet de musique. Je pense que d’avoir rĂ©ussi Ă  faire d’un projet d’amis du CÉGEP une carrière qui a fonctionnĂ© et qui nous a permis d’avoir des opportunitĂ©s dans la vie autant sur le plan des rencontres humaines que sur celui professionnel, c’est quelque chose qui va toujours me rendre fier. Voir des rĂŞves de jeunesse prendre vie. 

As-tu une Ă©quipe ? Si oui, qui sont (ou ont Ă©tĂ©) les partenaires fondamentaux (pas besoin de nommer spĂ©cifiquement les personnes concernĂ©es) pour le soutien de ta carrière ? [Si tu n’as pas d’équipe Ă  proprement dit, j’aimerais tout de mĂŞme t’entendre sur l’enjeu de savoir s’entourer et du rĂ©seau de contacts] 

Oui! Je pense mĂŞme que c’est ce que je trouve le plus fun dans mon choix de carrière. J’adore travailler, Ă©changer, apprendre et collaborer avec le monde autour de moi. 

Mon premier noyau a toujours Ă©tĂ© et restera les membres de LaF. C’est les personnes avec qui j’ai grandi lĂ -dedans et avec qui je partage une perspective similaire sur ce qu’on fait artistiquement et la façon dont on a envie d’exister dans nos communautĂ©s. 

Après, il y a Ă©videmment, Sam Rick de chez Disques 7ième ciel qui a Ă©tĂ© en quelque sorte mon mentor au courant des dernières annĂ©es et grâce Ă  qui j’ai beaucoup appris. Probablement une des personnes avec qui j’ai le plus FaceTime dans les 6-7 dernières annĂ©es! 

Autrement, mes collègues et ami-es, Paul Provencher et Flavie Melançon avec qui j’échange quotidiennement. Deux personnes avec qui je partage la rĂ©alitĂ© particulière d’être artiste/gĂ©rant-e et qui sont de la mĂŞme tranche d’âge que moi. On partage une proximitĂ© très prĂ©cieuse. Je fais d’ailleurs la co-gĂ©rance du projet de Woody avec Paul. 

La dernière strate de gens avec qui je collabore beaucoup, c’est tous les professionnels qui gravitent plus loin de moi mais Ă  qui je peux m’adresser quand j’ai des questions plus prĂ©cises. Je pense Ă  Seb Charest (gestion de droit d’auteur), Alexandre Archambault (Bonbonbon Records), JF Guidon (COOP Les Faux Monnayeurs) et Steve Jolin (Disques 7ième ciel). J’ai toujours Ă©tĂ© quelqu’un qui n’hĂ©site pas Ă  demander de l’aide et Ă  reach out pour de l’information. Je pense que c’est entre autres ce qui m’a permis de faire mon bout de chemin dans l’industrie de la musique. 

S/o spĂ©cial aussi Ă  Benjamin Duplantie-Grenier (producteur et membre de LaF), Felipe Arriaga-Nunez (DA et graphiste), Oli CĂ´tĂ© (rĂ©alisateur), Yanick Boyer (photographe et directeur de tournĂ©e), Laurence Morisset (styliste) et RĂ©mi Belleville (photographe et rĂ©alisateur) qui sont tous-toutes des collaborateur-trices artistiques avec qui j’ai travaillĂ© ou travaille encore quotidiennement de qui j’ai beaucoup appris et qui sont essentiel-les Ă  la majoritĂ© des projets que je mène Ă  terme. 

Pour terminer, en tant qu’artiste/gérant, tu es évidemment aux premières loges du showbusiness — quels sont les grands défis (actuels ou à l’horizon) qui se rattachent au métier… ou l’industrie musicale de façon générale?

Dans l’infinitĂ© de propositions artistiques qui a explosĂ© ces dernières annĂ©es, c’est de plus en plus difficile de tirer son Ă©pingle du jeu. Il semble aussi que la place qu’a pris le divertissement dans notre quotidien et nos cellulaires entre en compĂ©tition avec le rĂ´le de la musique dans la vie des gens. C’est moins une question de «quel album je vais Ă©couter?» ou de «quel clip de tel-le musicien-nes je vais visionner?» entre ceux qui sont sortis aujourd’hui plus que de «quel contenu je vais consommer?». Podcasts, Youtubeurs, brainrot, etc entrent maintenant tous en compĂ©tition avec la consommation de musique at large j’ai l’impression. Sinon, c’est sĂ»r qu’il y a aussi l’impact de l’arrivĂ©e du AI qui est dur Ă  prĂ©dire exactement mais qui risque indĂ©niablement de tout bouleverser notre industrie. 

Pour rĂ©sumer simplement ce que je pense qui pourrait ĂŞtre la problĂ©matique majeure de demain en mes termes: rĂ©ussir Ă  rester innovateur et intègre artistiquement tout en utilisant Ă  son avantage les nouveaux outils et l’accessibilitĂ© propre Ă  l’époque dans laquelle on vit. Je suis d’avis de ne pas cracher sur ce qui s’impose par la force de l’évolution technologique constante, mais de toujours se battre pour y insuffler quelque chose d’humain, de tangible, de sensible et d’authentique. J’ose croire que la clĂ© du succès des artistes de demain se situe quelque part lĂ -dedans. 

BONUS : Quel conseil donnerais-tu au Justin Boisclair d’il y a 10 ans ?

Prends le temps, tu n’es pas pressé. Une chose à la fois. Fais-toi confiance et rap mieux.