Très heureux de vous partager mon entrevue avec MĂ©lanie Venditti, dont j’entends parler (en bien!) depuis dĂ©jĂ bien longtemps… mais que j’ai eu la chance de rencontrer cette annĂ©e seulement!
Bonne lecture :)!
En quelques mots, qui es-tu et que fais-tu ?
Je m’appelle Mélanie Venditti. Je suis musicienne professionnelle depuis 16 ans. On m’engage comme altiste, claviériste, guitariste et théréministe, que ce soit en studio ou sur la scène. J’ai aussi beaucoup de contrats d’arrangements de cordes. Depuis quelques années, je suis réalisatrice d’albums (producer) et, ces temps-ci, je commence à me perfectionner afin de devenir ingénieure de son. Réaliser des albums, c’est ce que je préfère, et comme les artistes ont de moins en moins de budget pour leurs albums, iels veulent travailler avec des gens versatiles. Je veux être capable de faire le plus de choses possible dans mon domaine. Je me vois comme une omnipraticienne en médecine. Par exemple, dans ce domaine, il y a des cardiologues, des chirurgiens, etc. (comparaison en musique: gens qui font du mixage, du matriçage), bref des personnes qui se concentrent dans quelque chose de très précis et qui y excellent. Moi ce que j’aime, c’est de toucher un peu à tout, et lorsque ça dépasse mes compétences, je délègue et je réoriente les artistes.
Je suis aussi autrice-compositrice-interprète. J’ai d’ailleurs déjà écrit des chansons pour d’autres.
Ă€ quoi ressemble ton quotidien professionnel ?
Il y a des jours oĂą je pratique pour des spectacles, des jours oĂą je compose des arrangements de cordes, des jours oĂą je suis chez moi ou en studio, et que j’enregistre divers instruments. Lorsque j’ai mon chapeau de producer, les artistes viennent Ă la maison, et je les enregistre, ou on va en studio. Souvent je suis devant mon ordi et je fais du « ’editing », ça prend tellement de temps ! Dans des pĂ©riodes oĂą je travaille moins pour les autres, je compose des chansons.
Il y a évidemment les jours de paperasses de travailleure autonome.
À ton avis, quel est le rôle d’une réalisatrice et sa pertinence dans le marché actuel ?
C’est un rôle très important, outre l’aspect musical, c’est une grosse prise en charge de l’artiste, de sorte que ça lui enlève beaucoup de poids et de charge mentale. La personne à la réalisation fait en sorte que l’artiste se concentre le plus possible sur sa musique. Dans le marché actuel où les artistes doivent porter de plus en plus de chapeaux (faire la promo, les réseaux sociaux, s’autogérer, s’auto-booker, etc …), un.e allié.e qui est toujours là durant la production de la musique, c’est plus que nécessaire. Personnellement, quand je fais ma propre musique, je me décourage vraiment facilement, et je n’avance pas si on ne me pousse pas un peu dans le dos. Je sais ce que c’est d’être dans cette position, de ne pas croire en soi, de voir tout comme une montagne. J’ai besoin de cette personne qui me tend la main pour me faire avancer, et la plupart des artistes en ont besoin. L’aspect psychologique est souvent bien plus important que celui de la musique, lorsqu’on fait de la réalisation. Quand je mets en confiance la personne avec qui je travaille, que je lui cuisine un petit quelque chose, que je lui prépare une tisane avec du miel pendant qu’on enregistre ses voix, ça peut faire toute la différence dans « une take ». Comprendre à quel moment l’artiste performe le plus, le soir ou le matin, comprendre SES besoins et s’y adapter, comment la/le rassurer, gérer les imprévus, être bienveillante … tout ça, c’est super important dans mon éthique de travail.
Quelle est ta plus grande fierté ou ta plus grande réalisation des dernières années ?
Je suis fière de tous.tes les artistes qui m’ont offert la chance de travailler en réalisation sur leur projet; Juillet, Andromède, Lavande, Et on déjeune, Chiens dog (et d’autres que je ne peux pas nommer pour l’instant). Il y a si peu de réalisatrices au Québec, on est vraiment en retard.
As-tu une équipe ? Si oui, qui sont (ou ont été) les partenaires fondamentaux pour le soutien de ta carrière ?
Je suis avec Quartier Général (Pierre-Luc Durand) pour les éditions et la distribution de mon projet d’autrice-compositrice-interprète. Il a toujours été là pour moi, de près ou de loin depuis mon premier album. Mais sinon, je suis pas mal indépendante.
Pour terminer, en tant qu’artiste, tu es évidemment aux premières loges du showbusiness — quels sont les grands défis (actuels ou à l’horizon) que tu constates ou anticipes concrètement dans ta carrière ?
Le défi, qui sera toujours le même, on dirait, c’est d’engager des femmes en studio, de nous laisser nous tromper, de nous laisser prendre de l’expérience et de nous faire confiance. Sur pratiquement tous les albums qui bénéficient d’une visibilité au Québec, lorsque tu regardes les crédits, ce sont toujours des hommes qui font la réalisation, le mixage, le matriçage, les instruments principaux (batterie, basse, guitares). Si tu y vois des femmes, c’est souvent aux voix, aux claviers, aux cordes et aux vents. As-tu déjà vu un album où c’est le contraire au Québec ? Les femmes à la technique, à la batterie, à la basse, aux guitares, et les hommes qu’aux voix ? Si les femmes portent l’un de ces chapeaux sur un album, celui-ci est souvent non mixte (et c’est très cool!), ou il n’y en a qu’une seule qui y figure … Comme j’ai dit précédemment, on est vraiment en retard au Québec pour ça. Il faudrait que les subventions imposent des quotas afin de favoriser la parité sur les albums. Je crois qu’en cinéma ça existe, il me semble.
Un de mes rêves, c’est d’aller voir un spectacle et que tous les instruments soient joués par des femmes, et qu’on voit un homme faire que des backs vocals avec une tambourine.
Pareil en studio; exemple: Un album d’un band de gars réalisé par une femme, avec une ingénieure de son, des femmes au mixage et au matriçage.
Je n’ai jamais vu ou entendu ça, et pourtant l’inverse se produit chaque jour.
BONUS : Quel conseil donnerais-tu à la Mélanie Venditti d’il y a 15 ans ?
Dis OUI à toutes les offres de contrats qui t’intéressent, même si tu penses que tu n’as pas les compétences. Et arrête de t’excuser.