Justin fait partie de ceux qui attirent le respect par leur calme et bienveillance. Il y a dĂ©jĂ plusieurs annĂ©es que j’ai dĂ©butĂ© ma collaboration avec lui (et son groupe LaF); et je suis depuis son ascension et le dĂ©veloppement de sa carrière, avec beaucoup d’admiration. C’Ă©tait un grand plaisir qu’il accepte de faire cette entrevue, que je suis très heureux de partager avec vous ce matin !
En quelques mots, qui es-tu et que fais-tu ?
Je suis Justin Boisclair aussi connu par certain-nes sous mon nom d’artiste Bkay. Je fais du rap depuis plus de 10 ans maintenant notamment au sein du groupe LaF. Je fais aussi de la gérance d’artistes à mon compte pour Aswell, LaF, Mantisse et Woody. J’ai commencé la gérance avec LaF de façon non officielle par besoin de structurer le band à ses débuts et de fil en aiguille, c’est devenu plus professionnel avec les années. Ça fait environ 2 ans que je travaille avec d’autres artistes que mon groupe en gérance.
Ă€ quoi ressemble ton quotidien professionnel ?
C’est un genre de 9 à 5 à géométrie variable. C’est un compromis entre discipline personnelle, accomplissement de toutes mes responsabilités de gérance et un «go with the flow» selon ce que j’ai envie de faire dans la journée. J’aime avoir un horaire flexible mais j’ai aussi un besoin parfois obsessionnel de finir ma to-do list de la semaine à tout prix. À travers tout ça, le créatif existe plus dans des sessions de studio fixées à mon horaire, soit les soirs de semaine, la fin de semaine ou des journées où je vais prendre off d’ordinateur. C’est aussi important pour moi de faire de la place dans mon horaire pour tout ce qui est santé mentale et physique.
En bref, l’avantage de mon horaire de travail c’est que c’est mega flexible et le désavantage (comme pour bien des gens dans l’industrie de la musique) c’est l’incapacité à vraiment déconnecter pour de bon à un moment donné dans ma journée. J’y arrive mieux qu’avant cependant!
Tu as une carrière prolifique, autant sur le plan personnel que des collaborations — quelles sont les qualités/compétences principales qu’un artiste doit développer pour se démarquer et naviguer sainement dans l’industrie musicale ?
Il y a beaucoup de choses différentes dans cette question. Je pense qu’il y a plusieurs recettes pour arriver à se démarquer et à naviguer sainement dans cette industrie-là . Je ne pense pas avoir de réponse exacte ou monolithique à la question. Ceci étant dit, y’a clairement quelques trucs qui résonnent pour moi et auxquels j’essaye de m’accrocher.
C’est important de se casser la tête pour faire différent. Garder la fougue du début et la ré-allumer tout le temps. Être curieux, se remettre en question et ne pas croire qu’on a tout compris à un certain moment. Tout change vraiment vite tout le temps et il faut s’y adapter.
Autrement, c’est important de rester le plus connecté à soi-même possible. Rester à l’écoute de ses besoins, connaître ses limites. Se rappeler qu’on fait ça pour le plaisir et le besoin de se sentir vivant avant tout. C’est un privilège de faire de la musique, faut pas l’oublier. Bien s’entourer évidemment, choisir et re-choisir les gens qui nous entourent, prendre soin d’eux puis les laisser prendre soin de nous!
Quelle est ta plus grande fierté ou ta plus grande réalisation des dernières années ?
La création des albums et les gros shows en salles et en festivals de LaF. Toutes les premières fois particulièrement. C’est des souvenirs tellement précieux. Y’a quelque chose de tellement envoutant et grand dans les premières années d’un projet de musique. Je pense que d’avoir réussi à faire d’un projet d’amis du CÉGEP une carrière qui a fonctionné et qui nous a permis d’avoir des opportunités dans la vie autant sur le plan des rencontres humaines que sur celui professionnel, c’est quelque chose qui va toujours me rendre fier. Voir des rêves de jeunesse prendre vie.
As-tu une équipe ? Si oui, qui sont (ou ont été) les partenaires fondamentaux (pas besoin de nommer spécifiquement les personnes concernées) pour le soutien de ta carrière ? [Si tu n’as pas d’équipe à proprement dit, j’aimerais tout de même t’entendre sur l’enjeu de savoir s’entourer et du réseau de contacts]
Oui! Je pense même que c’est ce que je trouve le plus fun dans mon choix de carrière. J’adore travailler, échanger, apprendre et collaborer avec le monde autour de moi.
Mon premier noyau a toujours été et restera les membres de LaF. C’est les personnes avec qui j’ai grandi là -dedans et avec qui je partage une perspective similaire sur ce qu’on fait artistiquement et la façon dont on a envie d’exister dans nos communautés.
Après, il y a évidemment, Sam Rick de chez Disques 7ième ciel qui a été en quelque sorte mon mentor au courant des dernières années et grâce à qui j’ai beaucoup appris. Probablement une des personnes avec qui j’ai le plus FaceTime dans les 6-7 dernières années!
Autrement, mes collègues et ami-es, Paul Provencher et Flavie Melançon avec qui j’échange quotidiennement. Deux personnes avec qui je partage la réalité particulière d’être artiste/gérant-e et qui sont de la même tranche d’âge que moi. On partage une proximité très précieuse. Je fais d’ailleurs la co-gérance du projet de Woody avec Paul.
La dernière strate de gens avec qui je collabore beaucoup, c’est tous les professionnels qui gravitent plus loin de moi mais à qui je peux m’adresser quand j’ai des questions plus précises. Je pense à Seb Charest (gestion de droit d’auteur), Alexandre Archambault (Bonbonbon Records), JF Guidon (COOP Les Faux Monnayeurs) et Steve Jolin (Disques 7ième ciel). J’ai toujours été quelqu’un qui n’hésite pas à demander de l’aide et à reach out pour de l’information. Je pense que c’est entre autres ce qui m’a permis de faire mon bout de chemin dans l’industrie de la musique.
S/o spécial aussi à Benjamin Duplantie-Grenier (producteur et membre de LaF), Felipe Arriaga-Nunez (DA et graphiste), Oli Côté (réalisateur), Yanick Boyer (photographe et directeur de tournée), Laurence Morisset (styliste) et Rémi Belleville (photographe et réalisateur) qui sont tous-toutes des collaborateur-trices artistiques avec qui j’ai travaillé ou travaille encore quotidiennement de qui j’ai beaucoup appris et qui sont essentiel-les à la majorité des projets que je mène à terme.
Pour terminer, en tant qu’artiste/gérant, tu es évidemment aux premières loges du showbusiness — quels sont les grands défis (actuels ou à l’horizon) qui se rattachent au métier… ou l’industrie musicale de façon générale?
Dans l’infinité de propositions artistiques qui a explosé ces dernières années, c’est de plus en plus difficile de tirer son épingle du jeu. Il semble aussi que la place qu’a pris le divertissement dans notre quotidien et nos cellulaires entre en compétition avec le rôle de la musique dans la vie des gens. C’est moins une question de «quel album je vais écouter?» ou de «quel clip de tel-le musicien-nes je vais visionner?» entre ceux qui sont sortis aujourd’hui plus que de «quel contenu je vais consommer?». Podcasts, Youtubeurs, brainrot, etc entrent maintenant tous en compétition avec la consommation de musique at large j’ai l’impression. Sinon, c’est sûr qu’il y a aussi l’impact de l’arrivée du AI qui est dur à prédire exactement mais qui risque indéniablement de tout bouleverser notre industrie.
Pour résumer simplement ce que je pense qui pourrait être la problématique majeure de demain en mes termes: réussir à rester innovateur et intègre artistiquement tout en utilisant à son avantage les nouveaux outils et l’accessibilité propre à l’époque dans laquelle on vit. Je suis d’avis de ne pas cracher sur ce qui s’impose par la force de l’évolution technologique constante, mais de toujours se battre pour y insuffler quelque chose d’humain, de tangible, de sensible et d’authentique. J’ose croire que la clé du succès des artistes de demain se situe quelque part là -dedans.
BONUS : Quel conseil donnerais-tu au Justin Boisclair d’il y a 10 ans ?
Prends le temps, tu n’es pas pressé. Une chose à la fois. Fais-toi confiance et rap mieux.