L’une des alternatives contemporaines au contrat de disques est le contrat de licence (vous verrez aussi licence de mise en marché, de commercialisation, d’enregistrements sonores, etc.)
Sur le plan juridique, l’une des plus grandes différences entre ces types d’ententes est la propriété des bandes maîtresses.
Dans le cadre d’un contrat de disques traditionnel, la maison de disques est propriétaire des bandes maîtresses, à perpétuité.
Dans le contrat de licence, l’artiste (à titre d’autoproducteur) ou tout autre producteur concerné demeure propriétaire; il choisit plutôt de produire ses enregistrements, mais d’en confier la commercialisation à son licencié, pendant une certaine durée et selon certaines conditions.
Les parties au contrat de licence sont donc :
- Le producteur (celui qui a produit les enregistrements sonores)
- Le licencié (celui à qui les droits sont confiés)
Dans les faits, beaucoup de concepts se croisent entre les contrats de disques et ceux de licence. Je conseille donc de lire ce billet de blogue ainsi que celui concernant le contrat de disques, juste ici. Ci-dessous, vous trouverez donc les mêmes éléments, avec certaines différences propres à la licence.
1. DURÉE
Dans un contrat de licence, vous constaterez généralement deux types de durée : une durée d’exclusivité et une durée d’exploitation. Un vocabulaire différent peut être utilisé, mais dans les faits, il réfère au même principe :
Durée d’exclusivité : durée pendant laquelle le producteur s’engage à ce que l’artiste rende ses services exclusifs au licencié… et à ce qu’il n’enregistre/produise pas d’enregistrements sonores pour une tierce partie.
Cette durée d’exclusivité est généralement calculée sur la base de périodes contractuelles; d’un ou plusieurs albums/enregistrements sonores.
Elle commence à la signature du contrat et se termine habituellement 12 à 14 mois suivant la date de sortie commerciale du dernier album/enregistrement contractuel.
Durée d’exploitation : durée pendant laquelle le licencié exploitera de façon exclusive les enregistrements sonores.
Au Québec, cette durée d’exploitation varie généralement entre 5 et 10 ans suivant la sortie commerciale du dernier album livré au contrat … et jusqu’à 25-30 ans sur d’autres territoires, comme les États-Unis.
Autrement dit, l’artiste autoproducteur peut accorder ses services exclusifs pendant une durée d’exclusivité de 12 mois suivant la sortie commerciale du dernier album livré au contrat ; et accorder les droits d’exploitation sur les enregistrements pendant une durée d’exploitation de 5 ans suivant la sortie commerciale du dernier album livré.
2. REDEVANCES
Les systèmes de redevances décrits pour le contrat de disques sont les mêmes pour celui de licence exclusive.
Toutefois :
– Dans le cas d’un partage de profits, le licencié récupère seulement ses coûts de commercialisation (puisque les coûts de production ont normalement été acquittés par le producteur.) La part des profits du producteur se situe généralement autour de 50 %.
– Dans le cas d’un système basé sur le prix de gros, cette redevance équivaut au Québec à une redevance généralement située entre 15 et 25 % du prix de gros (toujours à titre de référence, au moment d’écrire ces lignes!).
Rappel : lorsque le licencié rémunère le producteur selon une redevance calculée sur le prix de gros, il ne récupère généralement pas ses coûts de commercialisation. Le licencié verse donc la redevance à compter de la première copie vendue (ou du premier stream!)
– Toujours dans le cas d’un système basé sur le prix de gros, le % pour les revenus découlant de l’exploitation numérique des enregistrements (p. ex. le streaming) peut être augmenté légèrement (18 % du prix de gros pour les albums physiques et 25 % des revenus découlant de l’exploitation numérique).
Quelques mots sur les droits voisins :
Au Québec, les droits voisins (qui font référence entre autres aux redevances versées pour la diffusion des enregistrements sur les radios satellites) représentent une source importante de revenus.
Voici quelques précisions :
– Dans le cas d’un partage de profits, la part producteur des droits voisins fait généralement partie du calcul des profits. Le licencié la perçoit entièrement (100 %), puis l’applique à la récupération… et la partage selon les proportions du contrat.
Les artistes perçoivent quant à eux entièrement la part interprète des droits voisins – sans égard pour le calcul des profits.
– Dans le cas d’un système basé sur le prix de gros, les parties se partagent la part producteur des droits voisins en parts égales. Le licencié n’applique pas cette part producteur à la récupération des dépenses.) La part interprète est encore une fois perçue par les artistes.
– Sur certains territoires hors du Québec (comme par exemple les États-Unis), la part producteur des droits n’est parfois pas partagée; elle est perçue et conservée par le licencié.
Surprenant n’est-ce pas? Oui, dans la mesure où le marché québécois nous a habitués à une formule beaucoup plus généreuse… mais pas si surprenant, dans la mesure où les sociétés de gestion considèrent cette part producteur comme la part due aux détenteurs des droits sur les enregistrements (rights owners). Dans le cadre d’une licence, le licencié détient les droits (pendant une durée déterminée), et peut donc conserver cette part.
3. LES LIVRABLES
En plus de produire et de fournir au licencié des enregistrements sonores, le producteur a généralement l’obligation de lui livrer divers outils et matériel, y compris :
– Les vidéoclips
Il importe de préciser au contrat de licence quelles sont les attentes relatives aux vidéoclips. Le producteur doit-il en produire un nombre minimum? La responsabilité appartient-elle plutôt au licencié, qui inclura les coûts de production/commercialisation dans ses dépenses récupérables? Le licencié s’engage-t-elle à en produire un nombre minimum?
– Les visuels de l’album (p. ex. de la pochette) et autre élément graphique pertinent pour la commercialisation
Encore une fois, il importe de préciser les attentes relatives aux visuels et éléments graphiques livrables. À titre d’exemple, le producteur est-il responsable des visuels relatifs à la pochette de l’album, ou aussi de ceux relatifs à chaque single?
– Les pistes audio
En plus des enregistrements finaux (mixés/masterisés), le producteur doit généralement livrer toutes les pistes audio, y compris les versions instrumentales des enregistrements (parfois même des versions alternatives en vue de sorties spéciales).
– Les contrats avec les collaborateurs
Le rôle du producteur implique non seulement un apport financier, mais aussi administratif : pour détenir l’ensemble des droits qui se rattachent aux enregistrements qu’il produit, le producteur doit conclure une entente avec chacun des collaborateurs qui y participent (p. ex. réalisateur, musiciens, choristes, artiste invité, etc.) … pour s’assurer que ces derniers lui confient les droits qu’ils ont ou pourraient avoir à l’égard de ses enregistrements.
Pour plus d’information sur ces contrats, je vous invite à lire ce billet.
Les délais de livraison de chacun des éléments est par ailleurs important à détailler (incluant les délais pour livrer les enregistrements finaux!). Je vous conseille fortement de tracer une ligne du temps pour vérifier si les paramètres établis dans le contrat sont réalistes.
:: Crédit photo : Brad